Manifeste
Depuis une dizaine d’années, nous constatons, d’abord dans les pays anglo-saxons et plus récemment, en France, une très forte augmentation du nombre de personnes se déclarant transgenres : souvent des jeunes filles, de manière soudaine à l’adolescence sans signe apparent durant l’enfance, un phénomène qualifié « d’allure épidémique » par l’Académie de médecine.
Nous nous réjouissons que l’augmentation de la visibilité des personnes trans leur permette une meilleure reconnaissance et une réduction des discriminations à leur encontre.
Cependant, nous sommes inquiets de la surreprésentation de jeunes autistes et TDAH se déclarant transgenres et souhaitant faire une transition.
Les jeunes avec TND (Troubles du neurodéveloppement) plus vulnérables !
Les problématiques sensorielles, l’anxiété sociale, le sentiment de décalage par rapport à la dimension sociale de la sexualité, la tendance à imiter autrui de manière formelle, la fréquente indifférence aux stéréotypes sociaux sexuels, tous phénomènes typiques de l’autisme, peuvent être interprétés comme des signes de transidentité (voir le rapport autisme et identité de genre de J. Galloway, personne autiste).
Les jeunes autistes sont fréquemment isolés socialement alors que, comme tout un chacun, ils éprouvent un besoin d’appartenance à un groupe : cet isolement, souvent couplé à une non-conformité de genre (fréquente chez les personnes TSA), les rend très sensibles à la communauté trans dans laquelle ils peuvent se sentir acceptés et valorisés dans leur différence, sans avoir toutes les clefs pour décoder que la démarche les conduit à des transformations physiques irréversibles.
Démarche Trans affirmative ? D’abord ne pas nuire
Nous sommes alertés par le fait que des professionnels suivent une démarche trans affirmative en 1re intention : permettre à tous ceux qui en font la demande (y compris des mineurs) d’accéder aux traitements hormonaux et chirurgicaux le plus tôt possible, sans suivi psychothérapeutique, sans forcément prendre en compte les troubles fréquemment associés, comme bien souvent l’autisme ou un TDAH.
Nous remettons en question cette approche trans affirmative chez des mineurs, étant donné :
- que des présentations complexes amènent à de nombreux parcours possibles, comme le souligne le Dr Cass dans son examen indépendant sur les services d’identité de genre commandé par le National Health Service anglais. Il est risqué de soumettre des mineurs à une transition médicale en raison d’une détresse psychologique qui peut trouver son origine dans plusieurs autres types de problèmes sous-jacents ;
- que la formation de l’identité chez les jeunes est un processus évolutif ; l’incongruence de genre apparaissant dans l’enfance se résout souvent naturellement à l’âge adulte ;
- que les troubles et conditions fréquemment associés à une incongruence de genre tels que l’autisme, le TDAH ou l’anorexie, ne sont pas assez pris en compte : comme le souligne le Pr Gillberg dans un courrier collectif adressé au ministère suédois de la santé en novembre 2018, « Il ne peut être exclu qu’une investigation, un traitement et une stabilisation appropriés de ceux-ci réduiraient ou élimineraient complètement la nécessité d’une transition médicale pour un nombre important de personnes » ;
- que les examens des données probantes commandés par la Suède, l’Angleterre, la Finlande, sur les bloqueurs de puberté et hormones d’affirmation de genre, concluent toutes que la base de preuves est de très faible qualité, appelant à la nécessité de peser soigneusement les avantages à faible certitude par rapport aux risques importants de ces interventions. Ce qui a amené ces pays et certains États américains à revoir le parcours de soins pour aller dans le sens de la prudence ;
- que, comme le souligne l’Académie de médecine, de plus en plus de personnes regrettent leur transition, ou détransitionnent : des études concluent que pour une partie d’entre elles, leurs problèmes ne proviennent pas d’une transidentité, ces personnes estimant également n’avoir pas été suffisamment informées des implications des traitements et de la chirurgie sur leur santé.
Pour toutes ces raisons, nous demandons à ce qu’un soutien psychosocial qui aide le jeune à vivre avec le développement pubertaire de son corps sans médicaments soit la première option dans son parcours de soins, tout comme le préconisent la Suède, l’Angleterre ou la Finlande. Comme le mentionne le Pr Gillberg, qui a alerté en 2019 sur les traitements expérimentaux d’affirmation de genre, il est fréquent que ces jeunes autistes « aient encore plus de problèmes d’identité à la puberté – qui suis-je ? Comment dois-je me comporter ? Que vais-je devenir ? Suis-je hétéro ? » – que la moyenne des jeunes.
Souvent, le diagnostic d’autisme et/ou de TDAH arrivent des mois après que le jeune ait commencé à se questionner sur son genre : toutes ses pensées tournent généralement en boucle sur comment transitionner le plus vite possible, encouragé par la communauté, ne vivant plus que pour cela. Alors qu’un diagnostic précoce lui aurait donné des clés pour mieux comprendre son fonctionnement, et peut-être pour accepter son corps tel qu’il est.
Quoi qu’il en soit, nous pensons qu’il est important d’accepter l’enfant tel qu’il est, et de voir ce qu’il se passera quand il grandira, en l’accompagnant, avec une approche globale et développementale.
Nous considérons que les soins d’affirmation de genre doivent être réservés à des adultes présentant une dysphorie de genre résistante, qui les empêche de vivre. Et qu’ils doivent être proposés de manière exceptionnelle chez les enfants, dont l’identification claire du sexe opposé apparaît dans l’enfance et cause des souffrances évidentes à l’adolescence.
Alors que la Haute Autorité de Santé est en train d’élaborer des recommandations sur le parcours de transition des personnes transgenres, nous nous étonnons qu’elle n’ait pas jugé utile de consulter des spécialistes de l’autisme et autres troubles du neurodéveloppement, connaissant pourtant la surreprésentation des personnes autistes et TDAH parmi les jeunes se déclarant transgenres.
Signataires du manifeste
Signatures (dans l’ordre chronologique) :
Professionnels et associations
Association AFG Autisme
André Masin, président
EDI formation
Danielle Artuso, directrice
Tdah France
Christine Getin, présidente
PAARI
Conseil collégial et membres fondateurs
Autisme en Ile de France
Jean-Marc Monguillet, Président
Autistes Sans Frontières
Isabelle Rolland, co-présidente
Asperger Aide France
Hélène Hardiman Taveau, présidente
Association Autisme Info Service
Florent Chapel, Président
Association Alliance Autiste
Eric Lucas, dirigeant
L’étoile d’Asperger
Catherine Pivolos
Café autisme
Association de parents et de personnes TSA
Vivre Et Travailler Autrement
Association de parents et de personnes TSA, présidée par Yenny Gorce
Cécile Coudert
Psychologue Neuropsychologue spécialisée en Trouble du spectre de l’Autisme (TSA) & troubles neurodéveloppementaux (TND)
Eric Turon Lagot
Psychologue, Psychothérapeute
Dre Karina Alt
Anthropologue, Analyste du comportement certifiée
Bernadette Rogé
Professeur Emérite Université Toulouse
Lilia Sahnoun
Psychiatre
Lydie Gibey
Psychologue
Esteve Freixa i Baqué
Professeur des Universités en Sciences du comportement
Boris Guimpel
Psychologue, psychothérapeute TCC et sexologue
Eric Lemonnier
Pédopsychiatre en charge du centre de ressources autisme du limousin
Jean-Christophe Seznec
Médecin psychiatre, thérapeute ACT
Valérie Toutin
Responsable qualité et développement au sein d’un organisme de formation et ancienne cheffe de projet du troisième plan autisme au sein du Secrétariat général du Comité Interministériel du Handicap
Nouchine Hadjikhani
Professeur, Gillberg Neuropsychiatric Center, Université de Gothenburg, Suède
Laëtitia Coilliot
Personne autiste, formatrice PRAG à l’INSHEA, membre de Parents et professionnels pour l’autisme en Île-de-France (PEPA)
Elisabeth Baudoing
Attachée administration Éducation. Nale. Retraitée